jeudi 28 juillet 2011

Joseph Arthur : The Graduation Ceremony / LE disque de l'ÉTÉ !

(« Chaud effroi, à la fois… »)
 Le problème, lorsque l’on s’attaque à ce type d’album capable à lui seul de faire en sorte que tout s’efface tout autour durant un certain laps de temps, plus ou plus… Long ! Musicalement parlant (à définir selon la profondeur d’addiction de chacun, dans le plus pur style : « posologie appliquée et long sevrage de fond en perspective »…) c’est qu’il aura simplement suffi d’un revers de saphir posé, puis creusé sous bras, pour que tout se teinte de différent en suivant.

Généralement, l’on aurait plutôt tendance à aborder cet épastrouillant The Graduation Ceremony, de deux façons radicalement différentes : de peur de ne pas arriver à retranscrire pleinement les multiples émotions qu’il suscite, façonne, écorche ou déterre. La première approche consisterait plutôt à faire court, à user de formules et superlatifs par poignées, histoire d’accrocher puis ferrer l’attention du promeneur du « Net » au plus vite, en moins de temps qu’il ne lui en faudra pour télécharger l’album en suivant sur le très officiel www.josepharthur.com – en lieu et place d’autres achats plus dispensables : un ennuyeux remix de plus, labellisé « Lady « Point » G », le énième et pathétique retour variétoche de Johnny l’Opticien, ou LE sempiternel Hit de l’Été ramoneur de neurones, hardeurs, tongs et… nerfs !
« Un album tendu, profond, en équilibre permanent entre « petit » soi et l’« autre », l’éventuel « autre », qui met du baume à foison et panse peu à peu les diverses plaies et bosses, les petites langueurs de la vie rêvée/fantasmée à deux ! » : serait sans doute à même de faire la maille. De même, que, le très basique, banal, balisé de l’écrit : « 12 chansons écorchées de vif qui déversent du sel sur les plaies béantes de l’« après » rupture, sans omettre pour autant de distiller également le miel ou le foutre à foison, selon affinités sélectives et moments clés à goûter d’urgence : « This is Still My World » (et ses arrangements précis, chiadés) « Love Never Asks You To Lie » (qui s’éteint peu à peu dans un ultime souffle de lutte, de vie, d’envie ?) ou bien encore, l’envoûtant, parfait, intriguant et mélodieux en diable « Gypsy Faded »… entre autres ! ».
Il suffirait alors d’y adjoindre une petite pincée de « références » historiques, ou plus récentes – sa découverte passée sous Peter Gabriel, ses chansons « clé » : In The Sun, History, Big City Secrets, Vacancy, Lonely Astronauts, Leave Us Alone…  Ses escapades de groupe vécues pleinement auprès du gang hétéroclite d’humains musiciens formant les baroques Lonely Astronauts ! de s’étendre un tantinet sur sa carrière d’Artiste Peintre menée de front, en parallèle ou au contact de ses multiples tournées poussées sans répit autour du globe et des lieux les plus reculés, pour arriver à boucler sèchement l’affaire en mode « laborieux », soit, mais tout de même satisfait du devoir accompli en l’instant « TGC » !
 Lors, cela me paraîtrait néanmoins et (mal)proprement insuffisant, « petit », indigne de la qualité intrinsèque affichée par ce très bel effort créatif qu’est et sera The Graduation Ceremony. Lorsque l’artiste s’implique, se livre, s’« arrache » à ce point pour NOUS faire don d’une réelle partie de lui au final, la moindre des choses est de s’impliquer pleinement à notre tour, ou bien tenter de se hisser à son niveau d’exigence au moment de disséquer la chose ; un juste retour des choses, ce me semble, histoire que de remercier chaleureusement la main qui crée, qui façonne, qui donne, retourne, et comble.

Depuis l’inaugural Out On A Limb, jusqu’au point de non retour du couple, lesté d’amertume (Love Nevers Asks You To Lie) affiché en mode « Putain de Saint-Valentin de mes deux ! », l’album (et la coproduction de John Alagia) flatte les pavillons, séduit sans forcer : niché sous une fine couche d’acoustiques cristallines, de rondes basses posées d’espace en contrepoint, de notes de claviers minimales, de bases rythmiques qui tissent et « habitent » le tout, plus qu’elles ne pulsent, au final (œuvre du « fantasmagoricoexceptionneloélevésouspeauxettoms » batteur de légende qu’est Jim Keltner, qui ce sera assis, quarante années durant, derrière LE gratin du Rock, du Blues, du Jazz ou de la Folk : depuis George Harrison, Ry Cooder, Pink Floyd, Roy Orbison, Neil Young, Éric Clapton, Brian Wilson, ou DylanBob !)

« Parfois, peu importe quand / j’ai envie de te voir, de te revoir encore une fois / envie de te serrer doucement dans mes bras / comme le fait le vent dans la nuit… » (ou, bien) « Parfois, à tout moment / l’envie me prend de te revoir encore une fois pour t’enserrer de mes bras, tel vent dans la nuit » (Out On A Limb).
Même si l’art de la traduction reste généralement plus délicat et plus constructif que celui de la guerre, plus risqué, même, à l’occasion – cause que tout le monde porte son avis très précis en la matière : les divers fans hardcore et les Anglophones de naissance, ou confession ! – une phrase peu néanmoins parfois suffire, s’avérer capable de résumer à elle seule l’ambiance générale d’un album, quel qu’il soit. De celui-ci, plus encore. Son auteur a eu beau rappeler souvent (en interview) que c’était un « album de rupture ! », le triste bilan d’une histoire à deux finement décliné en 12 chansons chargées d’émotions multiples et variées revenant sur le vide laissé par le souvenir de l’autre et les sentiments mêlés qui en découlent logiquement : il a manifestement dû « adapter » certaines de ces compositions écrites en amont, comme Face In The Crowd, ou Almost Blue (parfois près de 15 années, auparavant, en ce qui concerne le très « à vif » Someone to Love !) afin de pouvoir les lier aux mieux aux « récentes » et tenter ainsi de former un « tout » solide, homogène, monochrome de la teinte, monolithique de l’« après ».
Un effort apparemment mûri d’excellence, puisqu’il ne lui aura guère fallu que quelques « sessions » pour arriver à en happer la quintessence en studio, par la suite, il y a quelques mois de cela.

Cette fois, n’en déplaise aux donneurs de leçon qui lui ont souvent reproché de trop en faire au cours des années passées et moult albums enregistrés – côté arrangements et couches d’instruments patiemment empilées, superposées « façon » lasagnes, jusqu’à l’excès, parfois : ce qui fait paradoxalement SA marque de fabrique perso sur scène en solo, ce pourquoi il est adulé par ces mêmes fans et détracteurs ! – les instruments et overdubs ont su se faire discrets : disposés ici avant tout afin de souligner, accompagner, colorer ou éclairer de faible, cet amer constat à but cathartique assumé, décliné et gravé de sentiments contradictoires rétrospectifs sur blancs sillons patiemment alignés, que forme ce précieux « TGC » !:
« Je suppose qu’il existe une chance de nous voir réunis tous deux un jour / mais ça me semble difficile, vu les conditions actuelles / je n’ai juste pas vu cela arriver, alors pardonne moi d’encaisser aussi mal ce choc / celui de me voir désormais marcher tel un étranger au milieu de ce qui m’était jusque-là familier… » (Gypsy Faded On Us).
À l’image de cette déclaration baignée de larmes, lancée façon supplique, ce disque semble tout du long bâti sur paradoxes, contradictions, idées préconçues et faux amis. En effet (et en dépit des apparences) il est éthéré (mais bel et bien « solide »), concis (mais néanmoins varié), élevé sur l’autel d’une flamme commune aujourd’hui éteinte, froide, lointaine (mais pourtant ô combien chaud, intime, lumineux), gracile de la forme, éclairé, parfois, même, aérien (quoique lesté de gravité à tous les sens du terme !) honnête, « ouvert » et sans fard (alors que manifestement indexé sur du laid, du mensonger, de petites trahisons entre « amis »…) et parvient même à nous alléger du quotidien au final : malgré la CRISE, malgré ce « noir » thème de la rupture abordé tout du long, en préambule à toute autre chose, ce qui était, ma foi, loin, très lojn, d’être gagné, en somme.
Au bout du bout du compte, de multiples écoutes enfiévrées jusqu’à plus soif, enchaînées d’excès, plus loin – malgré quelques rares moments, un rien en « retrait » : Over The Sun, Midwest – ce The Graduation Ceremony, gravi, puis tutoie aisément les sommets du genre : le Blue, de Joni Mitchell ; le Here,  My Dear, de Marvin Gaye; le Rumours, de Fleetwood Mac ; le Sea Change, de Beck ; le Tunnel of Love, de Bruce Springsteen ; l’inégalable et resté inégalé, Blood On The Tracks, du gars Zimm’ ! (Encore et toujours juché au dessus du lot du commun des artistes, même en matière de « pain » pris en pleine gueule…).
Un disque qui plane et stagne (parfois) avec magnificence au dessus du petit lac noir et embrumé qu’est celui des relations « Homme Femme », mais qui n’en oublie pas pour autant de laisser irradier/filtrer près du quai (du ponton ?) un fin rayon de lumière niché dans l’embrasure d’une petite porte entrouverte sur l’avenir : bien décidé qu’il est à détailler, scier et expliciter au plus proche de l’os rongé ; afin de pouvoir (juste) mieux rebondir et affronter l’« après »,  par la suite : délesté de passé, vierge de nouveau en ce (bas) monde, avide d’un ailleurs à venir, imaginer, défricher, puis gagner :
« Mais je ne fuirais pas, non / car ce monde reste mien / je ne fuirais pas, cette fois / car ce monde reste mien / et ne fuirais plus jamais… » (This is Still My World).
Une leçon à méditer, à multiplier d’écoute(s), à décliner d’abus… en mode plaisir !

The Graduation Ceremony (Lonely Astronauts Records / Fargo) : Disponible au magasin Massilia Records, ainsi que des albums LIVE passés ou récents (2002, 2005, 2009, 2010, ou de la récente Tournée Européenne : parfois dédicacés pour nous, par son auteur !) et de nombreux autres produits « dérivés », estampillés Joseph Arthur !!!

Photos LOF :
Florencerougny.com
Critiques et interviews de Jacques 2 Chabannes :
http://www.concertandco.com/critique/critique-concert-compte-36585.htm